Photo © Michel Carcenac

"... Ce matin, le monde est neuf. Ce matin, il y a un dire de l'eau qui est une parole sans fin. Une parole joyeuse, toujours au bord du silence. Il y a, répandu dans tout ce que je vois, un dire de l'eau qui est seulement le vide heureux de l'écoute. Eau est ce mot chuchotant dont se sert le silence pour dire son propre silence sans le briser."

Jean-Paul Chavent ( Le dieu qui dort, Editions du Laquet, collection Terre d'Encre, 1997)

 

Regards croisés

 

 J'ai toujours aimé les espaces de liberté et de silence, les causses rouergats, les rivages et les Highlands d'Ecosse. Aujourd'hui, depuis mon retour au "Pays de l'Homme", en Périgord noir, je redécouvre ce terroir fécond et jamais monotone, multicolore comme la palette du peintre, les austères et humbles églises romanes, les redoutables forteresses accrochées au roc, aigües et menaçantes, l'architecture de pierre blonde et de lauzes, les forêts de châtaigniers centenaires tourmentés, les impressionnantes falaises et abris sous roche. Je revois les gravures et dessins expressionistes de mon père Julien - lui qui, avec ma mère Gabrielle, m'a transmis son amour de cette terre de tolérance, d'humanisme et de révolte - celle de Montaigne, La Boëtie, Eugène Le Roy, Georges Rocal et Elie Faure, grand historien de l'art mais aussi et surtout connaisseur de l'âme des peuples.

Pour moi, le périple, le voyage est ici, tout près, dans la Nature : âme d'un monde habité - reflets dans la lumière rasante du petit matin ou chauds camaïeux du couchant, bruissement des saisons, présences qui répondent à ma présence, respiration du paysage. S'oublier, laisser s'évanouir le temps, avoir l'impression de voir comme l'on n'a jamais vu, sans commentaires ou états d'âme.

La nature se laisse regarder, il ne s'agit plus que de voir. Sans prouesses techniques, photographier la Granda Aiga, la Vézère, le Cèu, autant de clins d'oeil à la peinture chinoise, au moine Citrouille-amère, à Monet, Cézanne, Manessier, De Staël et tant d'autres...

La Granda Aiga est là... espacequi rend le silence plus pur. Des instantanés, haïkus photographiques tentent de capter l'éternité d'un instant, foule de sensations fugitives, fragilité, éphémère, un réel que je n'attendais pas, ce "Ah!" des choses, comme disent les Japonais, ce tout qui me plonge dans un état impossible à décrire.  Un héron s'envole, une libellule vogue sur une feuille au fil de l'eau, le bleu acier d'un martin pêcheur zèbre l'espace... Rencontre avec l'univers vivant.

" Soudain, on passe de l'autre côté de la scène. On se trouve au-delà de l'écran des phénomènes, et l'on éprouve l'impression d'une présence qui va de soi, qui vient à soi, entière, indivise, inexplicable, tel un don généreux qui fait que tout est là, miraculeusement là, diffusant une lumière couleur d'origine, murmurant un chant natif de coeur à coeur, d'âme à âme." Ainsi s'exprime François Cheng dans ses "Méditations sur la beauté". Serions-nous imperméables aux beautés imprévisibles qui s'offrent à nous, toujours acharnés à vouloir comprendre, expliquer, réduire ou enfermer ?

Le regard véritable est sans idées, une vision ivre d'elle-même. "Je nais à chaque instant à l'éternelle nouveauté du monde" comme l'a écrit Fernando Pessoa. Ici, en Périgord, je n'ai que mon oeil et mon coeur pour dire l'authenticité et le mystère de cette terre de contrastes, de magie et de légende.

 

Jacques Saraben - printemps 2013

 

" Il ne faut pas vanter les lieux. Les beaux endroits sont à ceux qui les aiment, et les aimerons bien mieux ceux qui les découvriront tout seuls/.../Décrire le visible sans faire la part belle à l'invisible, c'est signer sa capture dans le circuit de la marchandise/.../ Aller à la vision comme on va à la mer. Comme on sort prendre l'air. Et puis rentrer chez soi, c'est-à-dire en soi, ressentir et se taire. Le monde exige notre parole, mais l'exprimer lui fait du tort/.../Il en est des lieux qui nous sont chers comme des personnes aimées. Leur présence est d'autant plus intense qu'elle est fragile et qu'elle se donne comme un évènement hors de durée.J'appelle présence cette sensation d'univers qui jaillit parfois d'entre lesrêves et perle de la blessure du regard./.../ Voir avec les yeux du jour.

est-ce l'enfance en nous, ce dieu qui dort et qui nous rêve ? "

 

(extraits de "Le dieu qui dort" de Jean-Paul Chavent)

Photo © Jacques Saraben
Estivalivre - Cinéma Lux - Michel Carcenac

message de Hengki Koentjoro III, Jakarta :

"I love it, great poem of nature, beautiful texture and details -  Congrat. " (juillet 2014)

 

(c) jacques saraben

" Impose ta chance, sers ton bonheur

et va vers ton risque

A te regarder, ils s'habitueront "

 

René CHAR

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